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    Salon

    « Prenez place sur les canapés ! Je vais vous rapportez un de nos chocolats chauds faits maison, une spécialité de notre cuisinier, Mr. Alakass Troll. Il n’est pas très causant –c’est un troll, vous comprenez – mais son chocolat chaud est à tomber par terre ! (–comme ses coups de massue, d’ailleurs.) Vous aurez bientôt l'occasion de le rencontrer. Peut-être même deviendrez vous l'un de ses commis, qui sait !» 

    [Vous acquiescez en souriant... Tout en priant tous vos dieux pour que cela ne soit pas le cas. Elle se met à marcher vers la sortie, mais s’arrête sur le seuil de la porte, comme si une pensée lui revenez brusquement à l’esprit. ]

    [A voix basse, à elle-même : « Mince, c’est vrai !» Reprends à voix haute, cette fois vers vous :] « Au fait, Alakass c’est récemment mis à la peinture, et il insiste pour qu’on offre ses œuvres à la critique des nouveaux visiteurs. Personnellement, je vous déconseille de les examiner, elles produisent de drôles de réactions chez certaines personnes. Mais si vous voulez quand même le tenter -à vos risques et périls- je vous suggère d’être mesuré sur la critique, Alakass est très sensible sur ce sujet (-et sa massue aussi). »

    Souhaitez-vous regarder les tableurks d’Alakass ?

    [La gouvernante revient en tenant un plateau avec deux tasses de chocolat chaud fumantes et une assiette de biscuits au chocolat.]

    « Me revoilà ! Avec le chocolat, comme promis. Tenez, votre tasse, mais attention ça brûle ! Goûtez, voyons, il n’est pas empoisonné ! Regardez ! [Elle avale une bonne gorgée du sien.]»

    Alors, que pensez-vous des tableurks d'Alakass? (sondage)

     

    «Voilà qui fera plaisir à ce cher Alakass. Le pauvre, il a beaucoup trop de temps libre pour son propre bien, depuis que… [Sa voix se brise subitement, et son regard soudain vide fixe la tasse entre ses mains. Elle a l’air perdue dans des jours tristes et lointains, et les rides creusent son visage fatigué.] Mais… c’est une histoire qui appartient au passé.

    Parlons plutôt du présent. Si vous avez répondu à notre annonce, alors c'est que vous avez un talent pour le travail domestique. Alors, parlez moi un peu de vous... 

    Quelles sont vos plus grandes qualités ? (sondage)

     

    «Intéressant, intéressant… [Elle sirote son chocolat chaud, les yeux mi-clos. Il y a un petit instant de silence, pendant lequel vous dégustez tous deux vos chocolats et vous réchauffez les mains autour de la tasse. Puis, elle reprend la parole :] Dites-moi, connaissez-vous un peu les origines du Château ? Non ? Pas du tout ? Pff, ils n’apprennent vraiment plus rien de sensé à l’école moderne. De mon temps, le nom de Castel d’Ombres suffisait à faire trembler les murs des maisons à travers toute l’Europe. Les temps changent, que veut-on, les temps changent…»

    Revenons à nos chauves-souris. Vous vouliez donc que je vous raconte les origines de Castel d’Ombres, le Château le plus terrifiant de toute l’Europe de l’Est, devant qui Vlad Dracul* lui-même est réduit à claquer de ses canines sur-développées ? Bien, très bien, mais ouvre bien tes esgourdes, car je ne compte pas me répéter.»

    [Elle pose sa tasse sur le guéridon et enfonce confortablement son postérieur dans son fauteuil. Elle craque ses doigts graciles dont les cals témoignent les longues années de travail, puis les déposent élégamment sur le bout des accoudoirs. Elle cale son vieux dos tordu contre les coussins, et quand elle prend enfin la parole, sa voix est profonde et captivante.]

    "Il était une fois, il y a fort longtemps, un comte français en disgrâce. Le malheureux, veuf depuis peu, clamait à qui voulait l'entendre que sa femme avait été assassinée par un démon aux yeux sombres et aux crocs longs comme des poignards. Évidemment, personne ne le crût, et il n'échappa à l'asile que grâce à son titre et à son alcoolisme croissant dont l'on blâmait sa folie persistante. Comme ces fariboles envinées étaient soi-disant insensées, et que le comte vivait seul avec la comtesse dans sa maison à la capitale, personne ne connut le fin mot de l'histoire... Même si les langues de vipères prétendaient que le comte, dans un excès d’ivresse, aurait massacré sa propre femme... Le comte mourut de chagrin peu après ce drame, le titre du comté échoua à un quelconque parent et cette tragédie fut vite remplacée par de nouveaux scandales plus juteux.

    Personne ne sut jamais que le compte avait laissé un enfant derrière lui. Un petit orphelin brailleur dans une corbeille en osier, une simple ordure dans les caniveaux de Paris, qui sans famille, sans passé, sans argent, parvint à se hisser au summum de la société française du 17eme siècle à à peine dix-huit ans. Comment fit-il ? Nul ne sait. Mais Edgard Sans-Nom, avec son physique séduisant, son intelligence fulgurante et la petite lueur dérangeante de son regard, n'était pas une quantité négligeable. A 25 ans, sa fortune était l'une des têtes de l'Europe de l'Ouest, et il était un politicien plus qu'influent, très proche de la Royauté de surcroît. Il se maria avec une  jeune lady anglaise au teint de porcelaine et ils partirent vivre leur amour tranquille dans un manoir campagnard en Aquitaine, où ils eurent même un jeune garçon. Ils étaient le couple favori du peuple, tant par leur histoire touchante que par leur beauté à tous deux. Edgard avait tout récupéré : sa fortune, son honneur, une famille aimante et même son titre de compte, offert par le roi en personne. Leur histoire aurait pu être infiniment heureuse, si il n'y avait pas eu cette terrible malédiction qui suivait le comte depuis sa plus tendre enfance...

     Un soir d'hiver, où la pleine lune était haute dans le ciel et où le froid mordait sauvagement quiconque osait s'aventurer dehors, de terribles évènements eurent lieu dans la tour est du manoir, qui abritait les appartements des Sans-Nom. Personne ne sut jamais ce qui se produisit exactement, même si certains domestiques prétendirent après coup avoir entendu de drôles de grognements cette nuit là, et une faible lamentation d'enfant... Le corps de Mme Sans-Nom fut découvert le lendemain matin, gisant dans une mare de sang, ses traits délicats déformés en une expression d'horreur absolue. Le comte et son enfant avaient disparu, et personne ne les revit plus jamais."

    [Elle s’interrompt pour vous faire remarquer que vous n'aviez plus touché à votre chocolat.  Vous lui affirmez que vous n'avez plus soif, et elle sirote sa boisson, ses yeux gris vous examinant minutieusement par dessus le bord de sa tasse. Puis elle dit:]

    «A ce moment précis du récit, vous vous serez sûrement rendu compte que quelque chose ne tournait pas rond chez notre cher Edgard. Pour commencer, pourquoi son père l'avait-il abandonner de telle sorte, sans confier son existence à personne ? Et pourquoi sa femme était-elle morte de manière si similaire à sa mère ? Enfin, pourquoi avait-il mystérieusement disparu ce jour là, sinon parce qu’il était... Coupable ? C'est une hypothèse à laquelle la plupart des personnes présentes au manoir des Sans-Nom se rallièrent, et une chasse à l'homme ne tarda pas à être lancée, même si jamais elle ne donna de résultat. Très peu d'humains savent qu'il s'était réfugié au fin fond des pics escarpées des Carpates pour y bâtir, sur l'un des endroits le plus magique et sauvage du monde entier, un château colossal, à l'image de sa fortune, qu'il transmit à ses descendants. Encore moins connaissent la vie réel du comte et ce qu'ils devinrent, lui et son fils. Je fais partie de ce petit groupe de privilégiés. Et il me semble que vous avez aussi les qualités pour en faire partie, si vous acceptez de restez travailler au château, et si, bien sûr, vous y survivez. [Vous ne savez pas trop si elle plaisante ou pas. Elle n'en a pas l'air, visiblement. Gloups.] Castel d'Ombres peut révéler  une quantité astronomique de choses à qui sait regarder, et ses murs regorgent d'histoires palpitantes pour qui sait écouter. Mais ce choix ne peut venir que de vous. Alors, que souhaitez-vous faire ? »

    *Vlad Dracul: Vrai nom de Dracula.

    J'me tire ! C'est louche ici !           Ma foi, je n'avais rien de prévu pour les vacances...